Faguo : une marque de vêtements pour habiller notre génération et lutter contre le réchauffement climatique

Dans cette double interview de Nicolas Rohr (co-fondateur de la marque Faguo) et Olivier Lamarque (directeur général du Réseau Entreprendre) menée par le journaliste Richard Fremder, Nicolas et Olivier nous partagent leurs visions sur l’équilibre entre réussite économique, préservation climatique, valorisation du ‘Made in France’ et engagement RSE.

 

 

Nicolas Rohr, vous êtes le co-fondateur de la belle marque de mode Faguo. Racontez-nous comment vous vous êtes lancé ?

L’idée de départ de Faguo naît en 2007 quand je suis sur les bancs de l’école avec mon futur associé Frédéric. J’ai alors 21 ans et nous voulons créer une marque de vêtements, beaux à porter, pour habiller notre génération et lutter contre le dérèglement climatique.

 

Quand on crée une entreprise, surtout quand on a 20 ans, faut-il être milliardaire ?

Justement pas. On dit souvent que les bonnes idées viennent avec les moyens les plus simples.

En tout cas, nous, à 21 ans, on n’avait pas d’argent lorsqu’on a créé Faguo. Et nous n’avions pas encore travaillé dans d’autres entreprises, nous n’avions aucune culture professionnelle. Nous étions tout neufs, prêts à l’emploi, d’un nouvel emploi.

Nous avons commencé par écrire sur une page ce qu’on voulait faire de cette marque. Puis, on a aligné les chiffres derrière cette marque : Combien de paires de basket ? Le coût de fabrication, les coûts de transport, de packaging ? Combien nous allions nous payer ? en allant aussi dans le micro-détail : le budget pour nos 2 ordinateurs.

Bref, nous avons établi un « business plan » puis nous sommes allés chercher de l’argent.

Et là, on a fait des choses assez surprenantes, comme des prêts étudiants pour financer non pas nos écoles, mais Faguo.

On est aussi allé voir 13 copains qui ont investi dans Faguo. En fait, on a plutôt vu 70 copains et 13 ont investi dans notre boîte.

Il faut quand même se représenter qu’investir 3 000 euros à 21 ans dans une boite, c’était quand même un risque. C’est pas comme dire, « prête-moi 5 balles pour m’acheter un verre, je te les rendrai dans une soirée ».

Là, ils ont investi 3 000 euros chacun, et bien leur en a pris parce qu’ils ont vécu une super aventure avec nous pendant 7 ans.

 

Pourquoi Faguo?  ça veut dire quoi ?

Faguo, ça veut dire « français » en mandarin. On voulait titiller l’égo des Français avec un mot qui chantait.

 

Contre les marques chinoises, vous avez choisi le mot « français » ? C’est rigolo.

Nous nous étions dit que le jour ou la Chine s’éveillerait à la marque, elle comprendrait le mot et elle serait touchée.

 

Comment intégrez-vous votre ligne directrice, à savoir être éco-responsable…sur toute la supply chain ?

Dès le départ, nous avons considéré qu’une entreprise devait avoir 2 bilans.

Un bilan financier ET un bilan carbone.

Faguo a été la 1ère marque française, et peut-être même au monde, à établir un bilan carbone prévisionnel de son activité. Nous savions exactement ce qu’allait coûter la marque à la planète en carbone. Nous connaissions l’impact CO2 de nos collections, de nos ordinateurs et de nos déplacements.

Tout comme nous savions combien nous allions dépenser, en euros, pour acheter ces mêmes baskets, les faire venir, payer nos déplacements et nos ordinateurs, etc.

Donc, dès le début, nous avons juxtaposé ces deux bilans, en euros et en carbone.

Et aujourd’hui, structurellement, les deux sont indissociables.

 

Quand avez-vous été financièrement rentable ?

Nous avons été rentables dès le premier jour.

Ça été un point d’honneur de pouvoir dire : cette entreprise est saine, avec un modèle économique porteur car rentable.

Alors oui, on ne va pas chercher une croissance de folie en cramant du cash, et se mettre en risque et gagner des parts de marché.

 

Ça, c’est le volet financier. Et le volet carbone ?

Notre objectif est d’engager notre génération contre le dérèglement climatique, en lui faisant acheter moins, mais mieux.

Acheter moins, c’est consommer moins de vêtements.

Aujourd’hui, il y a 40% de notre vestiaire que l’on ne porte pas.

Quand on a fait ce constat, on se dit qu’il faut qu’on achète mieux et acheter mieux,

Cela ne veut pas dire acheter moins joli.

Mais que chaque pièce de vêtements doit émettre moins de CO2 que les concurrents.

Aujourd’hui, 80% de notre collection contient au moins 30% de matière recyclée

Coton, polyester, cuir…mais recyclé. Pour émettre entre 30 et 80% de CO2 de moins que les mêmes pièces du marché.

 

Ça veut dire que les matières premières vous coûtent peut-être moins chères ?

Pas du tout. Cela nous coûte beaucoup plus cher car les matières recyclées coûtent entre 20 et 40% de plus que les matières conventionnelles.

Toute la difficulté, c’est de faire adhérer notre génération et de leur faire dire : « S’habiller avec Faguo pour émettre moins de CO2, ça coûte un peu plus cher que chez un concurrent, mais la qualité et la durabilité du produit vont nous permettre de le garder plus longtemps. »

 

A titre d’exemple, un T-shirt, c’est combien ?

Un T-shirt chez nous coûte 40 euros.

Une paire de basket, c’est entre 90 et 120 euros.

Mais on reste dans une logique de prix du marché. Nous avons écrasé nos marges. Par rapport à un secteur qui dépense beaucoup en marketing et communication, nous pensons faire la démonstration, que la marque, avec tout ce qu’on raconte, se suffit à elle-même en communication. On n’a pas besoin d’aller se payer des pages de pub dans les magazines…

Et la créativité de la marque va loin. Par exemple, nous avons a ouvert une Faguo Forest House, à 2 heures de Paris, en Suisse normande. Les fans de Faguo peuvent venir dormir au milieu d’une forêt Faguo, dans un tipi en bois de 12 mètres de haut, avec une baie vitrée. Il y a un cérémonial à votre arrivée : on va vous faire planter un arbre, vous faire porter des vêtements Faguo qui vous permettent d’aller planter cet arbre, faire du vélo, d’aller vous relaxer dans un bain nordique, et ensuite bouquiner face à la forêt….

Ça, c’est une idée qu’une autre marque aurait pu actionner, mais sans fondement. Pourquoi nous, on peut le faire ? Parce qu’on plante des arbres ! 4 millions d’arbres aujourd’hui plantés en France, dans 500 forêts. Ça représente quand même 2 % de notre chiffre d’affaires.

Ces 2 % investis pour planter des arbres, c’est pour créer ce trait d’union entre la ville et la forêt, et, en plus on vous invite à y dormir. Du coup, lorsque quelqu’un porte un vêtement Faguo, on espère qu’il porte aussi toutes ces valeurs. Et que ça se ressent aussi dans son style de vie. Avec des déplacements à vélo, pour aller contempler la nature plutôt que d’aller dans des endroits surpeuplés avec des litres de crème solaire qui coulent sur la plage.

 

Vous pouvez rester compétitif, malgré toutes ces normes que vous vous imposez ?

Absolument, et cela va au-delà du côté compétitif. On dit que le marché de la mode souffre fortement avec des fermetures de mammouths de la mode.

En fait, une grande partie de notre génération ne se reconnaît plus dans les codes de ces marques, qui fabriquaient des vêtements sans valeurs et sans preuve de valeur.

Et nous, on retrouve beaucoup de personnes qui viennent chez nous en disant « ah ! vous vivez avec mon temps, vous me proposez de vivre des activités ».

Ce sont ces valeurs qu’on veut faire vivre chez Faguo, et aujourd’hui, on a un avenir assez brillant. Enfin, sans être insolent. Notre croissance est de 30% par an et en restant sain.

Ça veut dire que cette croissance, on ne la dope pas, on ne la surbooste pas. On fait les choses tranquillement à notre rythme. Pour atteindre aujourd’hui 28 millions de CA.

Donc une taille correcte pour exister dans notre secteur et on sait qu’on a encore un avenir. Mais encore une fois, il faut rester humble.

Y aller doucement pour prendre le temps de bien faire les choses, ne pas se foirer sur un développement de produits, pour aller bien planter nos arbres et bien réfléchir aussi à la manière dont on parle de la marque.

 

Vous avez, je crois, réalisé récemment une levée de fonds ?

Absolument, oui.

On ne court pas après les levées de fond. Il y a un mot à la bouche, souvent chez les entrepreneurs : « combien tu as levé ?  » et de savoir qui a levé le plus.

La levée de fonds, il ne faut pas oublier que bien souvent, c’est une dette. Donc il faut honorer cette dette avec un business plan, et il faut du coup, se mettre en marche un peu forcée.

Nous, on le fait, car on a besoin de passer dans une autre dimension, pour ouvrir plus de boutiques Faguo, pour recruter des talents et continuer de grandir.

Mais ce n’est pas une fin en soi, ce n’est pas une course.

 

Comment la marque Faguo est-elle distribuée ?

Sur notre site internet (20% du CA).

Dans 400 magasins multimarques répartis dans 25 pays (30% du CA)

Et dans les 60 boutiques et corners Faguo en France (50% du CA).

Et nous sommes très attentifs au bilan carbone de nos boutiques. Par exemple, la peinture est faite à partir d’ail. Les carreaux sont produits à partir de coquillages et des tables à partir de bouchons et de bouteilles. Le tout avec du style mais sans montrer que c’est du recyclé. Ainsi, le nouveau concept des boutiques Faguo émet 50% de CO2 de moins que l’ancien.

Et toutes nos boutiques possèdent une borne de recyclage pour les pièces Faguo en fin de vie que nous expédions dans une usine en Allemagne, qui recycle 100% de nos vêtements, baskets, bagagerie et accessoire.

On a été les premiers à déployer ça, tout comme on a été les premiers à déployer dans nos magasins l’offre de seconde main. Et ce n’est pas tout.

Si vous avez un produit un peu en mauvais état, vous pouvez, une fois par mois, venir le faire réparer dans toutes les boutiques Faguo.

Certains me disaient « Non mais Nico, c’est dommage. Le mec il va laisser sa chemise dans son placard et il va-t’en racheter une autre, c’est trop bien ».

Ce n’est pas grave : on fait une croix en effet sur une nouvelle chemise.

On va la lui réparer, donc, ça va nous coûter de l’argent.

Mais on va allonger la durée de vie de cette pièce.

Et là, on offre un vrai service client. Et surtout, on offre un service à la planète

 

Vos créateurs, parce que j’imagine vous créez vos modèles, sont en France ?

Oui, absolument.

Faguo emploie aujourd’hui 160 personnes, dont 50 au siège,

Avec toutes les fonctions « support » et une équipe de création de 6 collaborateurs, qui dessinent, conçoivent les produits et créent les prototypes.

 

Dernière question. Aujourd’hui, vous avez 15 ans. Dans 15 ans, comment voyez-vous Faguo ?

Je pense que dans 15 ans nous aurons encore plus affirmé notre jusqu’au-boutisme sur les matériaux recyclés.

Aujourd’hui, nous sommes limités par la capacité des usines à transformer des matériaux recyclés.

Donc j’espère que, dans 15 ans, 100% des collections Faguo seront fabriquées à partir de matériaux recyclés.

Et que nous aurons ouvert plein de Faguo Forest House, qui permettront au plus grand nombre d’aller se connecter à la forêt et de planter leur arbre.  Quand on a planté un arbre dans sa vie, on a changé quelque chose.

 

Olivier Lamarque, vous êtes directeur général du Réseau Entreprendre. Pouvez-vous nous le présenter ?

Le Réseau Entreprendre est réseau de 15 000 chefs d’entreprise, qui ont décidé de se mobiliser pour l’emploi et pour aider les entrepreneurs à faire réussir leur projet d’entreprise. Nous accompagnons pendant 2 ans les créateurs d’entreprise et les repreneurs avec un chef d’entreprise qui a déjà réussi, et qui va les aider à optimiser leur projet.

 

Le  « Made in France », vous connaissez bien au sein du Réseau Entreprendre ?

Oui, car par définition, le Réseau entreprendre aide à créer des entreprises locales.

C’est-à-dire 100% françaises, qui produisent localement et qui distribuent soit localement, soit nationalement ou internationalement.

 

Pourquoi un entrepreneur doit-il aujourd’hui intégrer la RSE ?

Parce qu’il n’a pas le choix. D’un point de vue réglementaire. Et aussi d’un point de vue éthique.

Nous devons tous prendre part à ce monde qui change et intégrer le sujet du changement climatique. Nous devons tous nous remettre en cause et nos chefs d’entreprises ont les premiers à se remettre en cause, à réfléchir aux processus de transformation, qui sont des opportunités de transformation des offres.

Par exemple, avec de nouveaux modèles de services à base d’abonnement, qui permettent de contourner le sujet du prix.

Nous vivons un monde compliqué. Mais c’est justement parce qu’il est compliqué qu’il existe énormément d’opportunités à saisir.

 

Comment accompagnez-vous les entreprises dans leur démarche RSE ?

Nous aidons les entrepreneurs à optimiser leur business model, en l’analysant de A à Z.

Puis nous mettons à leur disposition un chef d’entreprise qui a déjà réussi pour les aider à anticiper les problèmes et les contraintes qu’ils vont rencontrer, les difficultés de croissance auxquels ils vont devoir faire face.

Et avoir à ses côtés un entrepreneur qui a déjà réussi, ça donne énormément confiance, ça déstresse, permet d’anticiper et d’aller plus vite.

Enfin, nous réunissons les chefs d’entreprises, pour qu’ils partagent leurs problèmes, leurs inquiétudes, leurs réussites et leurs bonnes pratiques.

Le réseau entreprendre est un refuge pour les chefs d’entreprise.

 

Que faut-il faire pour adhérer au Réseau Entreprendre ?

Nous avons 60 associations sur le territoire.

Il y en forcément une proche de chez vous. Vous y serez accueilli avec la bienveillance qui caractérise notre communauté.

 

Retrouvez l’intégralité de ce podcast ici

« Réinventer la valeur : savoir vendre le surcoût en tant qu’entreprise RSE »

 

 

A propos des auteurs :

Leader sur le marché des professionnels, le Crédit Agricole est le partenaire bancaire des professionnels avec un taux de pénétration de plus de 1 Professionnel sur 5

Reconnue comme la 1ère banque de réseau dans le cœur des professionnels, c’est aussi le 1er financeur sur ce marché.

Le Crédit Agricole accompagne tous ceux qui veulent entreprendre sur chacun des territoires de nos 39 Caisses Régionales :

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  • En organisant des Cafés de la création, moment d’échanges entre les créateurs et les acteurs locaux de la création
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