[Bonnes feuilles] Qu’est-ce que la franchise ? Un assemblage de contrats
Découvrez le deuxième article de la série « Qu’est-ce que la franchise ? », extrait du livre Guide pratique de la franchise et des réseaux commerciaux écrit par Martin Le Péchon.
Le contrat de licence de marque est le premier maillon permettant de qualifier le contrat de franchise. Ce contrat consiste, pour le titulaire des droits d’exploitation sur une marque commerciale – qu’il soit propriétaire ou licencié avec faculté de sous‑licence de cette marque – à la mettre à disposition d’un tiers, contre rémunération, dans un territoire et pour une durée déterminée, à titre exclusif ou non, pour permettre à ce tiers de l’exploiter dans le cadre de sa propre activité. Le contrat de licence de marque, sans être clairement défini par la loi, est expressément autorisé par celle‑ci1.
En pratique, peut se substituer au contrat de licence de marque, la mise à disposition par le franchiseur d’un autre signe distinctif, non protégé par un droit de marque, tel qu’une enseigne ou un simple nom commercial. Il faut néanmoins savoir qu’il est aujourd’hui rarissime d’être confronté à des réseaux de franchise dont les signes distinctifs ne sont pas protégés par un droit de marque tant les conséquences en termes de pérennité et de sécurité du réseau sont importantes. Sans licence de marque ou mise à disposition d’un signe distinctif fort, la franchise ne peut être qualifiée comme telle. Qui peut en effet imaginer des réseaux comme Starbucks ou KFC, qui font partie des plus importantes franchises de la planète2, se développer sans apporter en licence leur marque, élément de ralliement et d’identification incontournable ?
Le contrat de transmission de savoir-faire est, s’agissant de la qualification de la franchise, aussi important que la licence de marque. Il constitue le deuxième maillon du contrat de franchise. Les tribunaux considèrent en effet de manière unanime qu’à défaut de communication d’un savoir‑faire éprouvé venant s’ajouter à la licence d’une marque et à une convention d’assistance, la qualification de franchise ne peut être retenue3. Mais de quoi parleton réellement lorsque l’on évoque la notion de savoir-faire ?
Le savoir‑faire est un ensemble secret, testé et éprouvé de connaissances qui, bien que n’étant pas protégées par un droit de propriété intellectuelle, apportent, lorsqu’elles sont mises en commun et organisées, un avantage concurrentiel à la personne qui les exploite4. On peut donner quelques exemples typiques de savoir‑faire apportés par des réseaux de franchise dans des activités très différentes :
- dans un réseau de boulangerie (Pétrin Riberïou) : il a été admis que le savoir‑faire résultait du fait que le franchiseur avait mis au point un procédé technique reposant sur la suppression de certaines phases traditionnellement connues dans la boulangerie induisant le recours à moins de personnel et permettant l’augmentation des résultats financiers ;
- dans un réseau de franchise de VTC (ÉcoNavette) : le savoir‑faire est caractérisé par l’avantage concurrentiel dont disposent les franchisés en accédant à des plateformes dédiées et exclusives de prise en charge des passagers ainsi qu’au guichet situé dans l’aéroport permettant aux voyageurs de réserver leurs navettes5 ;
- dans un réseau de franchise de grande distribution alimentaire (Casino) : le savoir‑faire de la franchise est avant tout matérialisé par un « savoir‑sélectionner » les produits, constitué par l’offre à la vente par le franchiseur de produits conditionnés spécialement et bénéficiant d’une notoriété incontestable, et un « savoir‑vendre » résultant de la délivrance de conseils adaptés pour la vente de ces produits6.
Dans un très grand nombre de réseaux, le savoir‑faire est compilé dans un manuel opératoire ou une bible de savoir‑faire, c’est‑à‑dire dans un recueil physique ou dématérialisé généralement découpé en de multiples chapitres. Comme nous le verrons, bien que vivement conseillée, la remise par le franchiseur au franchisé d’un manuel opératoire n’est pas indispensable pour caractériser la transmission du savoir‑faire, cette transmission n’étant soumise à aucun formalisme et pouvant même être effectuée oralement.
Le contrat d’assistance est le troisième maillon7 de l’accord de franchise. Il s’agit, pour le franchiseur, d’apporter un soutien au franchisé permettant à ce dernier de réitérer avec succès le concept attaché à l’enseigne du réseau. D’un réseau à l’autre, la prestation d’assistance du franchiseur pourra se matérialiser de manière très différente. Alors que certains réseaux limiteront l’assistance à quelques conseils opérationnels, d’autres iront beaucoup plus loin en accompagnant le franchisé dans le choix de son local, voire dans la négociation du bail attaché, ou en se mettant à la disposition des collaborateurs à l’ouverture, lui donnant accès à un service d’accompagnement juridique en cas de litige avec les clients.
On a coutume d’indiquer, en matière de franchise, qu’assistance ne se confond pas avec assistanat. Cette affirmation tombe sous le sens et toute démarche du franchiseur allant à l’encontre de ce principe pourra se révéler dramatique. Ainsi, un porteur de projet envisageant de rejoindre un réseau de franchise ne doit jamais penser que s’il rencontre des difficultés dans l’exercice de son activité, son franchiseur volera à son secours et, si nécessaire, se substituera à lui le temps de redresser la barre.. L’affirmation selon laquelle « les franchisés doivent garder à l’esprit que l’assistance technique du franchiseur ne constitue en aucune façon une quelconque assurance tous risques8 » résume à elle seule ce principe essentiel. Loin de rendre service à son franchisé, le franchiseur qui voudrait, au‑delà de la prestation d’assistance qui lui doit, pallier les défaillances de son franchisé, prendrait des risques inconsidérés, susceptibles de mettre en cause la qualification même de leur relation et d’engager sa responsabilité. En effet, en allant au‑delà de la mission d’assistance dans l’application du concept et en plaçant son franchisé sous perfusion, le franchiseur ne fait finalement que s’immiscer dans la gestion de l’entreprise de son cocontractant ou soutenir abusivement celui‑ci. Reste à définir où se trouve la frontière entre assistance et assistanat.
On peut schématiquement considérer que tout ce qui excède l’aide apportée par le franchiseur au franchisé dans la réitération du concept du réseau sort de l’assistance. Il en est ainsi lorsque le franchiseur décide de faire crédit au franchisé, de se substituer à lui, même à sa demande ou lors de prises de décisions importantes (par exemple, en sélectionnant et en recrutant les collaborateurs de son franchisé ou en assurant la gestion courante de son entreprise9).
- Article L 714‑1 du Code de la propriété intellectuelle.
- « Top 5 des plus grands réseaux de franchise au monde », Les Échos Solutions, 5 décembre 2016, mis à jour le 2 janvier 2019.
- Cour d’appel de Versailles, RJDA 7/02, n° 829, 7 mars 2002.
- « Savoir‑faire et assistance en franchise : comment les évaluer », Franchise Magazine, 21 juin 2019
- Tribunal de commerce de Toulouse, n°2016J1076, 10 janvier 2019.
- Cour de Cassation, Chambre commerciale, 8 juin 2017.
- Cour de cassation, 2e Chambre civile, n° 95‑743, 21 mai 1997.
- Philippe Letourneau, Les contrats de franchisage, LITEC, Éditions LexisNexis, juin 2007.
- Cour d’appel de Paris, n° 13/24219, 4 mai 2016. Dans cette décision, les ex‑franchisés avaient reproché à leur franchiseur (la société de location automobile ADA) de les avoir soutenus abusivement en leur octroyant des crédits. La Cour a cependant rejeté leurs demandes.
Bon à savoir
Le franchisé, s’il a le droit d’attendre l’assistance du franchiseur, ne doit pas se considérer comme un assisté. Il ne doit notamment pas espérer de son franchiseur :
- qu’il lui prête de l’argent ou lui accorde des facilités de paiement en cas de difficultés financières ;
- qu’il l’aide à recruter du personnel s’il se révèle défaillant dans cette tâche ;
- qu’il lui mette du personnel à disposition s’il en manque ;
- d’une manière plus générale, qu’il assure la gestion courante de son entreprise s’il est dépassé par la situation.
La franchise étant un système juridique d’organisation d’entreprise, sa définition s’établit, faute de texte, en considération des décisions des tribunaux. Il est cependant éclairant de s’intéresser à certaines définitions doctrinales et notamment à celle contenue dans le Code de déontologie européen de la franchise rédigé sous l’impulsion de la Fédération Française de la Franchise.
« La franchise est un système de commercialisation de produits et/ou de services et/ou de technologies, basé sur une collaboration étroite et continue entre des entreprises juridiquement et financièrement distinctes et indépendantes, le franchiseur et ses franchisés, dans lequel le franchiseur accorde à ses franchisés le droit et impose l’obligation d’exploiter une entreprise en conformité avec le concept du franchiseur. Le droit ainsi concédé autorise et oblige le franchisé, en échange d’une contribution financière directe ou indirecte, à utiliser l’enseigne et/ou la marque de produits et/ou de services, le savoir-faire, et autres droits de propriété intellectuelle, soutenu par l’apport continu d’assistance commerciale et/ou technique, dans le cadre et pour la durée d’un contrat de franchise écrit, conclu entre les parties à cet effet. »
A propos de l’auteur
Martin Le Péchon est avocat au barreau de Paris et fondateur du cabinet CLP Avocats. Spécialisé dans le conseil, l’accompagnement et la défense des franchiseurs et autres têtes de réseaux, il est reconnu comme l’un des plus fins stratèges en matière de droit de la franchise et de droit du commerce organisé. Membre du Collège des Experts de la Fédération Française de la Franchise, il est l’auteur de plus d’une soixantaine d’articles consacrés à la franchise et aux réseaux commerciaux.
Cet article est issu de son livre « Guide pratique de la franchise et des réseaux commerciaux » disponible en librairie et sur le site de Dunod :
https://www.dunod.com/entreprise-et-economie/guide-pratique-franchise-et-reseaux-commerciaux
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