[Dossier spécial Auto-entrepreneur] L’avenir : le plan gouvernemental en faveur des travailleurs indépendants

Il s’agit d’un plan vaste et ambitieux, présenté par le premier ministre Edouard Philippe le 5 septembre dernier à Dijon, et qui reprend certaines promesses électorales du candidat Macron. Ces mesures, dont la mise en œuvre doit s’échelonner sur trois ans, sont, à ce jour, pour la plupart d’entre elles, au stade de projet. Leur contenu, dans le détail, n’est pas encore totalement connu. Mais une partie du voile a commencé à être levée grâce à la publication récente du projet de loi de finance et du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) pour 2018. Ces textes, lorsqu’ils seront définitivement adoptés, au plus tard à la fin du mois de décembre 2017, seront les supports des premières mesures contenues dans le plan gouvernemental.

La suppression du RSI

Le Régime social des indépendants est le régime de sécurité sociale des chefs d’entreprise, ceux exerçant une activité commerciale, artisanale ou certaines activités libérales (mais pour l’assurance-maladie seulement). Compte tenu des graves dysfonctionnements qu’il a connus depuis sa création en 2006, le RSI va être adossé au régime général de sécurité sociale, en principe dès le 1er janvier 2018. À cette date, le RSI disparaitra donc dans sa configuration actuelle. Compte tenu de l’ampleur de la transformation, une phase transitoire de l’ordre de deux ans est prévue, pendant laquelle les différentes missions du RSI (liquidation des retraites et de l’assurance maladie, recouvrement des cotisations, etc.) seront progressivement reprises en gestion par les caisses du régime général. Le PLFSS pour 2018 nous fournit d’ores et déjà quelques indications : les remboursements des frais de santé seront assurés par les caisses primaires d’assurance maladie (CPAM) ; les pensions de retraite seront gérées par les caisses d’assurance retraite et de la santé au travail (CARSAT), organismes à compétence régionale dépendant de la Caisse nationale de l’assurance vieillesse ; enfin, le paiement des cotisations sociales va s’effectuer auprès de l’URSSAF. De manière plus symbolique, le RSI va être rebaptisé Conseil de la protection sociale des travailleurs indépendants (CPSTI).

Le nouveau dispositif ne changera rien du point de vue du régime social applicable aux auto-entrepreneurs, qui demeurera distinct de celui des salariés. C’est toujours le « micro-social » qui va s’appliquer, avec des cotisations sociales assises sur le chiffre d’affaires réalisé. Les prestations sociales dont bénéficient les auto-entrepreneurs demeureront également inchangées. Cette réforme devrait enfin permettre de simplifier la situation des assurés sociaux en supprimant les démarches de passage d’un régime à l’autre, à savoir quand un salarié devient indépendant ou l’inverse. Ainsi, lorsqu’un salarié quittera son entreprise pour lancer sa propre activité (en qualité d’auto-entrepreneur ou sous un autre régime), il n’aura plus besoin, s’agissant de sa sécurité sociale, d’engager de démarches particulières : son assurance maladie restera gérée par sa caisse primaire d’assurance maladie et la validation, en vue de sa retraite, de ses périodes de travail en tant que salarié et en tant qu’indépendant sera intégralement effectuée par sa caisse d’assurance vieillesse.

Le doublement des plafonds de chiffres d’affaires du régime de la micro-entreprise

Les plafonds de chiffres d’affaire du régime de la micro-entreprise vont être doublés, et même légèrement plus, cela dès 1er janvier 2018. Ils vont être portés respectivement à 170 000 euros (activités de vente et assimilées) et 70 000 euros (activités de service). La justification donnée par le gouvernement est la suivante : permettre au plus grand nombre de travailleurs indépendants d’accéder à ce régime simplifié qu’est la micro-entreprise. La vraie raison est plutôt de permettre aux auto-entrepreneurs qui viendraient à dépasser les anciens seuils d’en conserver le bénéfice plus longtemps.

Le symbole est fort, assurément, mais la portée de cette modification ne doit pas être surestimée. D’abord, parce que, actuellement, seuls 5 % des auto-entrepreneurs dépassent les plafonds de chiffre d’affaires autorisés, ce qui est peu. Ensuite, parce que cette réforme ne sera pas accompagnée d’une hausse de la franchise de TVA, autrement dit du seuil au-delà duquel l’auto-entrepreneur n’est pas soumis à la TVA. La franchise de TVA restera donc inchangée, afin, selon le gouvernement, « d’éviter toute concurrence déloyale entre les petites entreprises au régime micro et celles dépassant le seuil ». Cela retire une grande partie de son intérêt à cette réforme. Concrètement, un auto-entrepreneur qui opère dans secteur de la vente pourra facturer sans TVA jusqu’à 82 800 de chiffres d’affaires, puis avec TVA au-delà, ce qui est un facteur de complexité. Comme on l’a justement écrit, « Augmenter les plafonds sans toucher à la TVA, c’est comme doubler la hauteur d’une échelle sans rajouter de barreaux »1.

Les autres mesures

  • La baisse des cotisations sociales, à partir du 1er janvier 2018, destinée à compenser la hausse concomitante de la CSG. On ne connaît pas encore l’ampleur de la diminution des taux de cotisation.
  • L’exonération de cotisation foncière des entreprises (CFE) pour les entreprises réalisant moins de 5 000€ euros de chiffre d’affaires. La mesure doit s’appliquer à partir du 1er janvier 2019.
  • L’extension du dispositif de l’ACCRE (aide aux chômeurs créateurs ou repreneurs d’entreprise) à tous les créateurs et repreneurs d’entreprises à compter du 1er janvier 2019. Il prend la forme d’une réduction de cotisations sociales, pendant trois ans. Cette réduction est dégressive (de ¾ du taux normalement applicable la première année d’activité, de la ½ la deuxième année, d’ ¼ la troisième). Ce dispositif est réservé jusque-là aux seuls demandeurs d’emploi. En en étendant le bénéfice à tous, le but du gouvernement est clair : favoriser la création d’entreprise.
  • Le paiement par carte bancaire des cotisations sociales sera progressivement ouvert : novembre 2017 pour les professions libérales, février 2018 pour les commerçants et les artisans.
  • L’abandon de la règle fiscale dite du « prorata », consistant à ajuster, l’année de la création de son activité, le plafond de chiffre d’affaires à ne pas dépasser en fonction du nombre de jours d’activité (par ex. en cas d’activité de vente entamée le 1er décembre, ce qui peut être le cas d’une activité de vente sur un marché de Noël, le seuil est de 82 800 x 1/12e, soit 6 900 euros pour un mois, ce qui est peu et aboutit à pénaliser les activités saisonnières). Désormais, c’est le seuil annuel de chiffre d’affaires (170 000 euros pour la vente) qui sera pris en compte quelle que soit la date de commencement d’activité. Le gouvernement n’a pas précisé la date d’entrée en vigueur de cette mesure.
  • La possibilité, à compter du premier trimestre 2018, de déclarer son chiffre d’affaires et de payer ses charges à partir d’un smartphone ou d’une tablette.
  • Enfin, une refonte totale du site internet officiel www.lautoentrepreneur.fr développé en 2008, mais mis à jour a minima depuis, sera engagée afin d’en améliorer la navigation et l’offre de service, cela à compter du troisième trimestre 2018.

 

Pour aller plus loin !

 

A propos de l’auteur

Xavier DELPECH est docteur en droit. Il est rédacteur en chef de la revue « AJ Contrat », publiée par les éditions Dalloz. Il a écrit de très nombreux articles en droit de l’entreprise, notamment au Recueil Dalloz. Il est l’auteur de Auto-entrepreneur. Micro-entrepreneur dont la dernière édition est parue en 2017 aux éditions Delmas, ainsi que de deux autres ouvrages publiés chez le même éditeur : Fonds de commerce et Société à responsabilité limitée (SARL). Il est également professeur associé à l’Université Lyon 3 Jean Moulin et formateur.

 

 

Source :

1- Fédération des auto-entrepreneurs, Doublement des plafonds de chiffres d’affaires auto-entrepreneur en 2018 !


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