[Bonnes feuilles] Quand le marketing s’inspire de l’humain
La marque personnelle, ce qui touche au plus près de nous, est ce qui marche le mieux pour vendre, donc rien de plus logique qu’on la retrouve aussi dans les mécanismes de marketing traditionnel qui se personnalisent de plus en plus. Le marketing relationnel est l’un des fondamentaux de cette nouvelle manière de vendre.
La segmentation BtoC (Business to Consumer) vs BtoB (Business to Business) est même remise en question par le concept de HtoH (Human to Human). Après tout, quel que soit le poste occupé par un individu ou quel que soit son profil sociodémographique, ce qui marche, et ce qui est juste, est de s’adresser à un être humain et de se comporter de cette manière également.
Si nous avons besoin de nous exprimer, de voir notre singularité valorisée et de nous sentir plus proches, la personnalisation per- mettra d’adresser ce désir fondamental. Nous avons également plus tendance à faire confiance à des personnes ou entités qui sont plus proches de nous : la recommandation permettra aussi de capitaliser sur ce mode de fonctionnement.
De la personnification à la personnalisation
Vous avez très certainement reçu dans votre boîte mail une newsletter qui s’adressait à vous par votre prénom. Vous en avez probablement reçu également qui s’adressait à vous en signant par un prénom – que ce soit celui du fondateur ou bien celui d’un membre de l’équipe. Dans ma boîte mail, j’ai des messages de « Louis de KissKissBankBank », « Jean-Charles de la SPA », « Claire des jus PAF » ou bien des prénoms et noms qui remplacent l’entreprise. Dans certains cas cette pratique peut être utilisée pour des raisons purement techniques : en envoyant des messages commerciaux depuis une boîte personnelle (ou a minima qui semble personnelle), évite au message d’être catégorisé comme promotionnel par Google, voire pire, comme spam. Mais au-delà de l’aspect technique, nous revenons aux fondamentaux humains : j’ai davantage d’intérêt pour un message s’il me parle à moi, s’il parle de moi et si j’ai un lien de proximité plus fort avec l’émetteur du message… tant que ça reste crédible. Quiconque a déjà reçu un mail de « John le CEO de la start-up Unicorn» sait que ce message qui commence par « je voulais t’écrire personnellement parce que je veux comprendre pourquoi tu n’as pas acheté mon produit » n’est pas vrai, et nourrit davantage la défiance que la proximité.
La personnalisation est par ailleurs une tendance qui va au-delà de la manière de communiquer mais qui touche directement au produit. Des marques de luxe et premium, comme Louis Vuitton, proposent ainsi des services complémentaires à leurs clients pour ajouter des initiales sur un bagage : marquage à chaud sur la maroquinerie, peinture de monogramme sur des bagages en toile… Ce qui était traditionnellement associé au luxe se démocratise, à tel point que la marque emblématique de la consommation de masse Coca-Cola propose également depuis 2014 un service de personnalisation de ses étiquettes pour remplacer le logo par un prénom, un surnom ou un message d’anniversaire par exemple. Si les géants de la grande consommation s’y sont mis, difficile de parler de tendance de niche. Selon Klaus Schwab1, fondateur et président du World Economic Forum, la personnalisation de masse est l’une des composantes de la quatrième révolution industrielle car elle modifie en profondeur notre manière de produire des biens de consommation, qu’il s’agisse de customisation ou de personnalisation complète avec une cocréation d’un produit entre marque et consommateur.
L’extrême personnalisation des contenus publicitaires, notamment la publicité ciblée grâce à l’analyse de nos données, pose en revanche de sérieuses questions juridiques et éthiques. Nous voulons de la personnalisation, mais jusqu’où sommes-nous prêts à aller pour avoir des contenus adaptés à nos envies ?
Le pouvoir de la recommandation
Revenons à Dimitri Farber et à Tiller – qui peut donc se permettre de courir les plateaux télé mais qui reste avant tout un chef d’entreprise conscient de l’objectif à atteindre.
« On n’est pas là pour être visible, on est là pour être efficace. Le meilleur levier marketing est le parrainage. D’ailleurs, nous n’avons plus d’équipe marketing à proprement parler : on a une équipe communication qui s’occupe de la marque, la com’ interne et externe et une équipe acquisition qui gère les leads. Pour nous, les leads ce sont des clients qui nous réfèrent des clients, pas n’importe quel restaurateur. Le parrainage en BtoB a ainsi que des avantages : de nouveaux clients plus fidèles et les clients actuels encore plus fidèles. »
Dans la logique du marketing relationnel, peu importe si nous sommes en BtoB ou BtoC, lorsque nous choisissons les produits que nous consommons. Nous faisons davantage confiance à la recommandation d’un consommateur que celle d’un média, sauf si le média est un journaliste en qui nous avons particulièrement confiance. Encore une fois, nous avons intérêt à jouer sur la proximité et les relations personnelles pour générer de la confiance dans nos produits, et donc des ventes. Au-delà de l’acquisition et même de la fidélisation, la recommandation est le Saint Graal pour les marketeurs. Le concept du Net Promoter Score (NPS) s’appuie sur ces fondamentaux et permet même de prédire la croissance et les ventes d’une entreprise selon un score de 0 à 9 permettant de catégoriser les clients en « détracteurs », « passifs » et « promoteurs ». Le Net Promoter Score est alors obtenu par la soustraction du pourcentage de détracteurs aux promoteurs. C’est un bon indicateur de la satis- faction client, mais surtout un outil permettant d’estimer la probabilité de recommandations, et donc de ventes.
Le capital humain est ainsi souvent employé pour désigner la force de travail. Mais il est pourtant bien plus : l’individu porteur de projet au tout début d’une entreprise est souvent l’unique atout sur lequel capitaliser, et tout au long de la vie de l’entreprise, il continuera à être l’un des meilleurs vecteurs de confiance – et donc de vente. La meilleure manière de vendre n’est pas de s’en remettre à une personne providentielle ou à une poignée de dirigeants mais bien de s’appuyer sur une communication personnelle, de proximité, jusque dans les leviers marketing, à commencer par la personnalisation et la recommandation.
Finalement les frontières en marketing et marketing de soi sont plus poreuses qu’il n’y paraît. Et qu’on l’apprécie ou non, c’est aussi une tendance qui va en s’intensifiant par l’effet des nouvelles technologies.
1. Schwab K., La quatrième révolution industrielle, Dunod, 2017.
A propos de l’auteur
Marie Beauchesne est experte en communication personnelle, entrepreneure et conférencière, Marie Beauchesne est la co-fondatrice de BrandMeBaby – un cabinet de conseil et d’accompagnement en personal branding. Elle intervient en entreprise dans le cadre de projets de transformation et de communication stratégique, et enseigne également au Centre pour l’entreprenariat de Sciences Po Paris.
Cet article est extrait de son livre « La marque, c’est moi »
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